PHOTOS & PASSIONS

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Eloge à ma Tante Antonia (décédée le 11/10/2006)

Ma tante  - Audierne 1940

         J'ai écrit et lu ce texte au cimetière de Blagnac lors de l'enterrement de ma "tia"

 

Famille, amis, voisins, nous sommes tous réunis ici pour rendre un dernier hommage et accompagner Antonia à sa dernière demeure.

 

Elle était née le 4 juin 1916 dans un petit village de montagne de la province de Santander en Espagne. Elle était la dernière fille d'une famille de onze enfants. Ses parents étaient de condition très modeste. Elle avait 9 ans lorsque son père mourut de maladie. Les conditions de vie de sa famille devinrent plus difficiles et c'est donc très jeune qu'elle commença à travailler.

 

Le 18 juillet 1936 éclata l'insurrection des rebelles félons à la République, les « Nationalistes » qui deviendront rapidement les « Franquistes » du nom de leur chef, le général Franco. Antonia avait à peine 20 ans !

La guerre durera 33 mois ! Trente trois mois d'enfer pendant lesquels près d'un million de personnes trouveront la mort.

Le monde ignorait alors que cette guerre civile allait devenir le banc d'essai pour une guerre encore plus meurtrière, encore plus horrible.

Hitler et Mussolini furent très rapidement les alliés des Franquistes.

 

Dés lors, Antonia et une partie de sa famille allaient entamer un long et terrible exode.

 

Le 26 août 1937 l'avancée des troupes fascistes vers Santander, les obligea à embarquer précipitamment sur un bateau, avec peu de vivres, un minimum de bagages et quelques vêtements.

Des centaines de bateaux, remplis de soldats, de femmes, d'enfants, et de vieillards fuirent ainsi la guerre et les massacres qui allaient s'ensuivre. Beaucoup d'entre eux  n'arrivèrent jamais à destination. Ils erraient sur l'océan, souffrant de faim et de soif. Enfin le 29 août, ils trouvèrent refuge au port de La Rochelle, où les organisations humanitaires, les syndicats de Dockers CGT et les Partis politiques de gauche, distribuèrent vivres et boissons aux arrivants.

C'était la première fois qu'Antonia et les siens foulaient la terre de France !

Quelques heures après, sur ordre du gouvernement français, ils étaient renvoyés vers l'Espagne, en Catalogne. Le voyage en train dura plus de 24 heures et c'est donc affamés et déshydratés, qu'ils débarquèrent des wagons, sur les quais de la gare de Port-Bou avant d'être repoussés sans ménagement hors du territoire français.

 

Le 26 janvier 1939, la chute de Barcelone allait ouvrir un des chapitres les plus bouleversants de l'histoire contemporaine.

Les colonnes franquistes, dans leur avance implacable, poussaient devant elles un pitoyable troupeau, un vague humaine qui venait se briser sur la frontière française.

C'est dans cette marée humaine, parmi tous ces pauvres gens, dans cette horde endiguée sur une seule route, qu'Antonia et les membres de sa famille s'étaient trouvés, fuyants eux aussi devant l'avance des colonnes franquistes. Après de longues heures de marche, marchant ou piétinant, sous des bourrasques de neige ou de pluie, harassés de fatigue, affamés, ils arrivèrent enfin à la frontière le 19 février 1939. Les réfugiés n'avaient plus le choix. Soit ils restaient en Espagne pour y subir la loi fasciste du vainqueur, soit ils se coupaient pour longtemps de leur pays.

D'après les statistiques officielles cette énorme masse humaine comprenait outre les militaires, plus de 63000 femmes et 68000 enfants.

C'est dans ces conditions que, Antonia foula pour la deuxième fois cette terre de France.

Ils étaient tous venus chercher la liberté, mais après un bref passage dans des camps de contrôle, hommes, femmes, enfants furent dirigés vers des camps de concentration.  (n'ont rien à voir avec les camps Nazis dont on parlera plus tard)

Antonia, ses sœurs, sa mère et ses neveux se retrouvèrent dans  ces fameux camps. Le premier fut celui situé près du Fort de Berthaume, au sud du Conquet, en Bretagne.  (voir photo dans l'article "autobiographie (enfance)

Nombre d'internés se trouvaient au bord de l'épuisement nerveux. Beaucoup souffraient des poux, de la gale, de diarrhées, de bronchite et même du typhus.

Heureusement que la solidarité s'organisa et de nombreuses municipalités ouvrières votèrent des subventions, envoyèrent des vivres dans les camps.

Puis la seconde guerre mondiale éclata. L'invasion nazie allait aggraver encore plus les conditions de vie. C'était dangereux d'être un « républicain espagnol » sous l'occupation. Des milliers d'entre eux  allaient mourir dans les camps d'extermination. Beaucoup d'autres donnèrent leur vie pour défendre la France.

Dés la fin de la guerre, les républicains espagnols, pensant que Franco allait être bouté hors d'Espagne, voulurent se rapprocher de leur Pays. Ils affluèrent donc vers le sud de la France. Hélas ils durent déchanter !

Beaucoup d'entre eux s'installèrent alors dans la région toulousaine. Pour Antonia ce fut Blagnac.

C'est ici à Blagnac qu'elle a toujours vécu, et que ses enfants sont nés.

C'est ici à Blagnac, sous cette terre,  que reposent déjà son époux, sa mère, deux de ses sœurs, un beau-frère et une nièce.

 

Elle disait souvent qu'elle faisait partie des pauvres. Elle savait, elle, ce qu'étaient les fins de mois difficiles, les difficultés pour élever convenablement les enfants, la dureté du métier de son mari dont les poumons étaient peu à peu rongés par les méfaits de l'amiante. Oui elle était pauvre, mais elle était aussi riche, riche de générosité, riche de bonté, d'amabilité envers ses voisins, riche d'amour pour les siens, riche de fidélité à ses idées politiques.

Idées politiques qu'elle avait acquis tout le long de ces longues années d'un douloureux exil.

Elle parlait avec passion de Liberté, de justice sociale, de paix dans le monde.

 

Voila l'histoire d'Antonia  Quirce Fernandez, épouse Contreras , l'histoire d'une femme simple.

 




Sœurs d'espérance ô femmes courageuses
Contre la mort vous avez fait un pacte
Celui d'unir les vertus de l'amour

O mes sœurs survivantes
Vous jouez votre vie
Pour que la vie triomphe

Le jour est proche ô mes sœurs de grandeur
Où nous rirons des mots guerre et misère
Rien ne tiendra de ce qui fut douleur

Chaque visage aura droit aux caresses.

- 1948 -

Ce poème provient du recueil intitulé " Poèmes politiques "

 

Entre tous mes tourments entre la mort et moi
Entre mon désespoir et la raison de vivre
Il y a l'injustice et ce malheur des hommes
Que je ne peux admettre il y a ma colère

Il y a les maquis couleur de sang d'Espagne
Il y a les maquis couleur du ciel de Grenade
Le pain le sang le ciel et le droit à l'espoir
Pour tous les innocents qui haïssent le mal

La lumière toujours est tout près de s'éteindre
La vie toujours s'apprête à devenir fumier
Mais le printemps renaît qui n'en a pas fini
Un bourgeon sort du noir et la chaleur s'installe

Et la chaleur aura raison des égoïstes
Leurs sens atrophiés n'y résisteront pas
J'entends le feu parler en riant de tiédeur
J'entends un homme dire qu'il n'a pas souffert

Toi qui fus de ma chair la conscience sensible
Toi que j'aime à jamais toi qui m'as aimé
Tu ne supportais pas l'oppression ni l'injure
Tu chantais en rêvant le bonheur sur la terre
Tu rêvais d'être libre et je te continue.

Je t'aime Tia

  

                              (Poème de Paul Eluard légèrement adapté)

 



15/10/2006
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