PHOTOS & PASSIONS

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LA RETIRADA

A la mémoire de tous les miens qui vécurent et souffrirent ce dramatique exode et qui ne sont plus là aujourd'hui, et de tous les républicains espagnols qui donnèrent leur vie pour que vive la France

 

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Il y a 80 ans..."LA RETIRADA", L'EXODE des républicains espagnols.



18 juillet 1936 : Franco déclenche le coup d'État militaire qui parviendra à renverser la république espagnole. C'est le début de la guerre civile.
En France, la droite et sa presse soutiennent les putschistes et exhalent leur haine des républicains qu'ils qualifient de "rouges". Le gouvernement de Front populaire, présidé par Léon Blum, n'entreprend rien pour aider la démocratie espagnole agressée. Pour justifier son inaction, il se fait l'initiateur d'un accord de "non intervention" par lequel la France et la Grande-Bretagne s'engagent à ne pas aider les républicains espagnols à condition que les autres puissances observent la même attitude de neutralité. Ce sera évidemment un marché de dupes.
De fait, la France instaure un embargo contre la république espagnole tandis que les États fascistes continuent d'armer Franco et d'intervenir directement dans le conflit (contingents terrestres pour l'Italie et bombardements aériens pour l'Allemagne). La guerre d'Espagne donne aux hitlériens l'occasion de mettre au point un matériel militaire nouveau et d'entrainer leurs soldats à des méthodes de guerre inédites. Villes et villages fournissent aux aviateurs nazis des cibles de choix; Guernica, au pays basque, mitraillée et incendiée, un jour de marché, en portera longtemps le témoignage.


 

Cette immense toile a été créée en quelques semaines par Pablo Picasso pour le pavillon espagnol de l'Exposition universelle de Paris de 1937. Elle est le symbole des horreurs du bombardement de la ville de Guernica (pays basque) effectué par l'aviation allemande pour le compte de Franco, le 26 avril 1937. On dénombrera plus de 1800 morts.



Paul Eluard va écrire ce poème pour dénoncer cette barbarie

 

 

La victoire de Guernica


Beau monde des masures
De la nuit et des champs
Visages bons au feu visages bons au fond
Aux refus à la nuit aux injures aux coups


Visages bons à tout
Voici le vide qui vous fixe
Votre mort va servir d'exemple
La mort cœur renversé
 


Ils vous ont fait payer le pain
Le ciel la terre l'eau le sommeil
Et la misère
De votre vie


Ils disaient désirer la bonne intelligence
Ils rationnaient les forts jugeaient les fous
Faisaient l'aumône partageaient un sou en deux
Ils saluaient les cadavres
Ils s'accablaient de politesses


Ils persévèrent ils exagèrent ils ne sont pas de notre monde


Les femmes les enfants ont le même trésor
De feuilles vertes de printemps et de lait pur
Et de durée
Dans leurs yeux purs


Les femmes les enfants ont le même trésor
Dans les yeux
Les hommes le défendent comme ils peuvent


Les femmes les enfants ont les mêmes roses rouges
Dans les yeux
Chacun montre son sang


La peur et le courage de vivre et de mourir
La mort si difficile et si facile


Hommes pour qui ce trésor fut chanté
Hommes pour qui ce trésor fut gâché


Hommes réels pour qui le désespoir
Alimente le feu dévorant de l'espoir
Ouvrons ensemble le dernier bourgeon de l'avenir


Parias la mort la terre et la hideur
De nos ennemis ont la couleur
Monotone de notre nuit
Nous en aurons raison.

Paul Eluard, 1938

 

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A LIRE :.........BLUM et la non intervention 

 

 

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Fin janvier 1939 : après la chute de Barcelone, des milliers de républicains espagnols, pourchassés par les troupes franquistes, quittent leur pays, c'est LA RETIRADA (l'exode).
Dans le froid glacial et la neige, près de 500.000 d'entre eux, civils et militaires, tentent de franchir les Pyrénées pour rejoindre la France.
Dans un premier temps, le gouvernement français de Daladier prend la scandaleuse décision de fermer la frontière aux fugitifs. Toutefois, les pressions internationales sont telles que la frontière est ré-ouverte. Ma famille et moi-même ferons partie de ce fleuve de misère 
(Voir ma biographie)


Voici qu'ils ont passé le col
de sainte Irène, le soir tombait,
un soir triste de novembre,
un soir froid et gris.
Vers la Lagune Noire
ils marchaient en silence.
                                    Antonio Machado
 
 
Les réfugiés arrivent alors en France où les autorités les parquent dans des camps de fortune improvisés sur les plages clôturées d'Argelès-sur-Mer, Saint-Cyprien et Barcarès: pas de baraquements, pas de latrines, pas de cuisines, pas d'infirmeries ni même d'électricité. Partout la dysenterie sévit. Les malades et les blessés encombrent très vite les hôpitaux du Midi.



Le camp du Boulou et la plage d'Argelés




La punition est double: après le temps de la défaite, vient celui de l'humiliation derrière des barbelés surveillés par des éléments de l'armée française.
En moins de cinq mois, près de 15.000 réfugiés décèdent, de dysenterie notamment.
Le grand poète Antonio Machado sera un des premiers. Il mourra le 22 février 1939 trois jours avant sa mère.
 
    
                                                                           Antonio Machado peu de temps avant sa mort 1939
 
     Machado dort à Collioure
                 Trois pas suffirent hors d'Espagne
           Que le ciel pour lui se fît lourd
           Il s'assit dans cette campagne
               Et ferma les yeux pour toujours.
                                                   Aragon

 

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une vidéo de Yvonne ROUDOT MARTINEZ 



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Un an plus tard, en avril 1940, on compte encore 6.000 internés, les autres ayant été "invités" soit à rentrer en Espagne, soit à s'engager dans la Légion étrangère, soit à rejoindre les compagnies de travailleurs étrangers.
Beaucoup mourront durant l'offensive allemande de juin 1940.
 
 
 
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LES RÉFUGIÉS DE PLOUGASNOU

Au terme d'un voyage ferroviaire de plusieurs jours, qui les a conduit de la frontière pyrénéenne à Brest, 250 républicains espagnols et leur famille sont acheminés et regroupés dans les locaux d'une colonie de vacances sur le territoire de la commune de Plougasnou, dans le pays de Morlaix. Des membres de ma famille en faisaient partie.



                                                   
En octobre 2007, sur les lieux, qui ont conservé leur vocation de centre de vacances, une plaque, commémorant la mémoire de ces familles de républicains espagnols fuyant le régime franquiste, a été inaugurée.


LES PREMIERS DÉPORTÉS VERS LES CAMPS NAZIS

Des familles de républicains espagnols ont trouvé refuge à Angoulême qui se trouve en zone occupée après la victoire militaire des troupes hitlériennes de juin 1940.
Le 20 août 1940, les Allemands encerclent le quartier de la ville habité par les Espagnols et conduisent de force des familles entières, femmes et enfants compris, dans un train qui va les emmener dans le camp de concentration nazi de Mauthausen. Ce convoi de 927 Espagnols sera le premier train de la mort à avoir quitté le territoire français.
Au terme d'un voyage de quatre jours, arrivés dans le camp, les déportés sont contraints de revêtir une tenue rayée sur lequel est cousu le triangle bleu des "apatrides". La moitié d'entre eux ne reviendront pas.
Pétain se chargera lui aussi de fournir aux Allemands les républicains espagnols dont il voulait se débarrasser.
Ce sont les déportés espagnols qui participeront à la construction du camp de Mauthausen. Mon ami Pablo était de ceux-là (voir l'article Hommage à Pablo)
 
« Sous ses yeux au block 16 il y avait] plein de communistes que la République, en 39, avait par sécurité mis à l'ombre. Pétain les avait bel et bien prêtés à Hitler, ces mauvais Français. Paulo aurait pu [ ] entendre aussi ce que disaient les Espagnols, premiers prisonniers à Mauthausen. Douze mille, le chef de l'État français en avait livré de ces « réfugiés ». Paulo l'avait assez entendu l'épouvantable dicton : « Sous chaque pierre de Mauthausen il y a le sang d'un Espagnol ». 
« Ce tourbillon de spectres, ces hommes tous pareils, indéfinissables, ces hommes qui débarquaient avec le même air ahuri pour brûler en chœur, il n'avait pas réussi à les trouver émouvants. Il les avait mal vus, milliers de triangles rouges, (le triangle rouge est le signe des déportés politiques) feux follets d'un immense cimetière, apparaissant, dansant, disparaissant, il n'était pas très sûr de sa vision. Et puis Mauthausen, c'était la tour de Babel, un ramassis de toutes les races, des gens dont il ne comprenait pas la langue : Hollandais, Danois, Tchèques, Hongrois, Bulgares, Roumains, Grecs, Luxembourgeois, Ruskis, Yougos, Polaks, Gitans et autres apatrides. Vraiment très loin de son univers restreint de Parigot, tous ces sauvages. Ces crânes, ces pyjamas, ce mélange de nations, cette gigantesque usine d'anéantissement, c'était trop vaste, c'était l'irréel, personne n'y pouvait rien. »

André Lacaze, Le Tunnel, Julliard, 1978.



L'escalier de la mort à Mauthausen


N'oubliez jamais
 
 

Vidéo à regarder

 


 
LA RÉSISTANCE

Dès l'occupation de la France par les Allemands, de nombreux républicains espagnols rejoignent la Résistance. Ils seront actifs notamment dans les rangs des Francs-tireurs et partisans (FTP), l'organisation militaire du parti communiste.

En Bretagne, les Allemands ont affecté les compagnies de travailleurs étrangers à la construction des fortifications côtières. Parmi ces travailleurs, des républicains espagnols dont beaucoup participent à la lutte clandestine avec des actions à Lorient, Saint-Nazaire, et en divers points du Morbihan et du Finistère.

Au total, les républicains espagnols participent aux combats de la Résistance dans soixante départements français. Ils seront déterminants dans la libération de nombreuses villes du centre et du sud-ouest, comme Toulouse, Dax, Carmaux, Tulle, Perpignan, Brive, Alés et Vichy. On estime à 60.000 le nombre de résistants espagnols engagés auprès de leurs compagnons français.

Le 10 juin 1944, 19 espagnols sont identifiés parmi les 642 victimes du massacre d'Oradour-sur-Glane. Parmi les personnes brûlées vives se trouvent deux enfants en bas âge, les jumeaux Astor et Paquita Serrano Pardo, nés l'année précédente à Limoges.

"Heinz Barth, "l'assassin d'Oradour-sur-Glane", est décédé le 6 août à l'âge de 86 ans, en Allemagne. Responsable du massacre de 642 villageois -hommes, femmes et enfants- il avait été condamné à mort par contumace par le tribunal de Bordeaux en 1953. Le bourreau est mort, libre, dans sa ville natale près de Berlin."




"LA NUEVE"

A partir de 1941, les républicains espagnols,  se sont engagés en masse dans la légion étrangère, puis à partir de 1943 certains sont incorporés dans les Forces françaises libres d'Afrique.
 Beaucoup se retrouvent dans la 2e division blindée (2eDB) commandée par le général Leclerc où la 9e compagnie ("La Nueve") du 3e bataillon n'est pratiquement composée que d'Espagnols. Cette compagnie est placée sous les ordres du commandant Raymond Dronne.
 Le 1° août 1944 la 2é DB débarque sur la plage normande de Utah. "La Nueve" ne le fera que le 4 août en chantant "la Cucaracha". C'est à ce moment que le lieutenant Amando Granel devint le second de Dronne.




Amado Granel sous l'uniforme français


Après le débarquement en Normandie, quand, à la demande pressante du colonel Rol-Tanguy, le commandement allié renonce à contourner Paris, Leclerc confie à Dronne et à "la Nueve" la mission d'appuyer l'insurrection parisienne d'août 1944.





Ce sont des blindés baptisés du nom de villes espagnoles, significatives de la guerre civile, qui pénètrent les premiers dans Paris : "Guadalajara", "Ebro", "Madrid", "Guernica", "Belchite", "Brunete", "Teruel",.......



Dronne et Granel


Soldats espagnols


Les espagnols accompagnent Von Choltiltz

Le 25 août 1944, à 16 heures, le général Dietrich von Choltitz, gouverneur allemand de Paris, qui s’était rendu, deux heures auparavant, au soldat espagnol Antonio González, signait la capitulation nazie devant le général Leclerc et le colonel Rol-Tanguy. Paris était libéré.

 

Le RMT commandé par le Colonel Dio et ses hommes de la " Nueve" se sont distingués par leur courage dans les combats d'Alençon et de Carrouges. Cependant, les espagnols ont vécu leurs plus grands instants de gloire dans la journée du 24 Août 1944 lorsque, après avoir percé les défenses allemandes, ils sont entrés dans Paris comme avant-garde de ses libérateurs.



 Ensuite, à travers la France, la libération de Strasbourg en Novembre et les combats des Vosges ont été le cadre de nouveaux exploits de la Division, du RMT et de la " Nueve"  dans une lutte pleine d'heroïsme qui eût comme point culminant la prise du sanctuaire nazi de Berchtesgaden.
Par contre, avec la fin de la 2ème Guerre Mondiale commençait une nouvelle bataille pour les survivants espagnols de la  "Nueve": La lutte contre l'oubli, parce qu'ils se sentaient vaincus dans la victoire.
 
 







DES ANTIFASCISTES TRAHIS....

En participant aussi nombreux et aussi actifs à la Résistance, les républicains espagnols témoignaient de la vigueur de leurs sentiments antifascistes. Néanmoins, pour eux, la défaite d'Hitler et de Mussolini ne devait constituer qu'un étape. Ce qu'ils souhaitaient maintenant, c'était le renversement de Franco.
Les puissances occidentales - dont l'antifascisme n'a jamais égalé l'anticommunisme- en décideront autrement. Elles "oublient" que Franco a envoyé un contingent - la "Division azul"- combattre aux côtés des nazis.




En 1959, le président de la démocratie américaine, Dwight Eisenhower, se rend en Espagne pour rencontrer Franco, nouvelle recrue de "monde libre".

Dans la guerre froide, que les puissances occidentales ont entreprise contre l'Union soviétique, le régime franquiste apparait comme un pion plus fiable qu'une république restaurée. De fait, dès le début des années 1950, l'Espagne intègre l'OTAN après avoir autorisé l'implantation de quatre bases américaines sur son territoire.
 
franco-caballero-de-la-milicia-de-jesucristo1.jpgEt en Espagne, la complicité du clergé espagnol et Franco



Je recommande vivement la lecture de deux magnifiques livres:

- CAMPS DU MEPRIS de René Grando, Jacques Queralt et Xavier Febrés
- La NUEVE 24 AOÛT 1944  d'Evelyn Mesquida

José Falcó, As de l’aviation républicaine de la Guerre d’Espagne (1936-1937), titulaire de huit victoires aériennes, est mort le 10 mai 2014 à Toulouse.
Né à Barcelone en 1916, ce Catalan lutta contre les forces franquistes entre 1936 et 1939. Puis, après avoir dû quitter l'Espagne pour la France, il y fut interné quelque temps dans les camps d'internement d'Argelès sur mer puis de Gurs, avant de partir pour l’Algérie en novembre 1939. Pilote de chasse, capitaine et chef d’escadrille, tenta à plusieurs reprises de rejoindre les rangs de l’Armée de l’air française au cours de la Seconde Guerre mondiale,  mais on lui refusera cette possibilité. Une nouvelle fois contraint à l’exil, il devient alors mécanicien pour la Gendarmerie française à Toulouse. Et ce n’est qu’en 1984, qu’il a été rétabli dans son grade de réserve l’armée de l’air espagnole : celui de colonel.


Autres sites sur la retirada :


 
 
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20/10/2014
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